Zanahary...Oh! mon dieu.

Publié le par Yama

Voici enfin une religion et surtout une philosophie qui me plait , vraiment. Il y a donc, peut être une destinée qui m'aurait fait bouger de 10 000 km pour trouver enfin une spiritualité... A creuser ;o)



Ce document est extrait du site Haisoratra : http://www.haisoratra.org/article.php3?id_article=122
mise en ligne le vendredi 28 février 2003 par Nary


Dieu dans la culture malgache
Pietro L U P O, Enseignant d'histoire des Religions, Université de Tuléar, membre de l' Académie Malgache,

D I E U D A N S L A C U L T U R E M A L G A C H E

Mise à part la tendance vers l'interprétation orientaliste et panthéiste évoquée à la fin de l'article précédent, l'idée de Dieu dans la culture religieuse malgache laisse apparaître son unicité et sa transcendance. Ce Dieu nous invite toutefois, à découvrir et honorer une multiplicité de forces présentes dans la nature. Ces forces ne sont pas conçues comme des dieux, ni comme des parcelles émanant de son Etre. La spiritualité malgache provoque une méditation sur l'idée de Dieu comme principe de fécondité, comme la Fécondité par elle-même et fait de lui la source de l'être et de la vie. Cette idée rappelle, d'une part les cultes solaires orientaux et égyptiens et d'autre part la notion de paternité/fécondité du Dieu biblique chrétien, sans pour autant exclure la présence du sacré diffusée dans l'univers. Ce sacré sera vu, on le verra plus loin, comme un instru-ment, comme une voie pour s'approcher de Dieu, voire pour l'atteindre.

Zanahary : Dieu soleil.

Les paroles d'origine gréco-latines " Zeus " et " Deus " ou " Dieu " dans les langues actuelles, n'ont pas leurs équivalents dans la langue malgache. Les mots d'origine sanskrite " Zanahary Yan-hary, Dieu-Soleil " et Andriamanitra - Andriananahary " Le Roi parfumé - le Roi Soleil ", dans la pensée traditionnelle sont les termes courants pour désigner l'Etre Suprême ; ils ne sont pas des noms propres, mais des attributs qu'on applique par analogie à cet Etre, sans besoin de le nommer. Ce Principe est perçu et décrit sous la formalité de " Source de vie " et de " Fécondité ", plutôt que comme " Etre par essence " ou comme " Créateur ". Ces derniers termes appartiennent à la révélation Judéo-chrétienne et à l'Islam ; les concepts qu'ils portent ont été élaborés par la philosophie du Moyen Age ; ils sont au centre de la réflexion et de l'œuvre de Saint Augustin, d'Avicenne, de Thomas d'Aquin…qui les ont approfondis pour leur compte.

Dans le mot Zanahary la première racine yan qui le compose porte l'idée de " Dieu " ou de " Divinité ", elle est un préfixe jamais séparé de la deuxième racine hary, indiquant le " Soleil ". Pareillement, dans le terme Andriananahary on retrouve la même racine hary comme suffixe. Mais ici apparaît aussi une résonance politique, car le terme hary, " soleil " est apposé de manière inséparable au mot " Andriana " qui signifie " Roi ou Prince ". Le terme manitra, d'où procède Andria(na)manitra, signifie, à son tour, " le Prince qui est parfumé ". Manitra (sentir bon) est dit par opposition au terme maimbo qu'on applique à un cadavre en décomposition et à tout ce qui est malodorant. Appliqué au mot Andriana le verbe manitra évoque alors l'idée d' " être constamment parfumé ". Cette idée s'élargit alors dans celle de " Prince incorruptible et éternel ". On dira toujours d'un roi, qu'il est " manitra et masina, parfumé et sacré ", même si sa dépouille mortelle est en décomposition avancée. On peut résumer tout ceci dans une formule simple : dans le terme Zanahary l'Etre préexistant apparaît comme le " Dieu soleil " qui chauffe et donne la vie et l'être, les termes Andriamanitra-Andriananahary révèlent, à leur tour que Dieu est " le Roi-parfumé-non-soumis-à-corruption - Roi Soleil " qui ne peut être donc que lumière, chaleur, fécondité éternelle. La sagesse populaire cristallisée dans les proverbes des Anciens, reprend souvent ces thèmes lumineux ; celui-ci, par exemple est parmi les plus incisifs : " Affirmer que le Prince Parfumé n'existe pas… et par conséquent sauter les yeux fermés". Aucune explication théorique ne suit cet énoncé ; mais son contenu est intuitif et clair : si Dieu n'existe pas, on ne peut que marcher dans les ténèbres, plonger dans le noir, être privé de connaissance, ne pas exister. Manao an'Andriamanitra tsy misy, ka mitsambiki-mikimpy.

Un seul Dieu dans toute l'Ile.

Les deux termes, Zanahary et Andriamanitra-Andriananahary sont connus et employés chez les sociétés malgaches de toute l'Ile ; cependant le premier est en usage particulièrement chez les populations des côtes, le second est employé surtout sur les Hautes Terres du centre. On peut entendre les deux aussi bien dans les célébrations religieuses communautaires que dans le parler ordinaire quotidien : salutations, exclamations, souhaits, discours de circonstances, commentaires sur les événements… Les deux possèdent un contenu analogique et ils indiquent, d'une manière générale, tout ce qui est mystérieux et insaisissable ou surnaturel. Ce contenu peut porter aussi sur les phénomènes imprévus et incontrôlables, sur les forces invisibles et sur les esprits des ancêtres. Les premiers étrangers arrivés sur les côtes malgaches étaient censés être des zanahary, des " êtres mystérieux ", venus d'ailleurs, " d'au delà des mers ". Le terme peut indiquer encore les génies censées être présents et opérants dans la nature, les esprits des sources, des rivières et des lacs, des arbres et des forêts, indiquer les grands personnages disparus (les Rois fondateurs qui reviennent dans les phénomènes de possession, tromba) ou encore, il peut désigner les fétiches (sampy) royales ou les talismans (les ody) populaires…. Il est appliqué finalement à l'Etre Suprême. Il serait plus exact alors de donner à ces termes la signification générale de " divinité " ou de " choses sacrée " ou de " chose sainte ". Par ailleurs, le contexte dans lequel il est prononcé laisse apparaître sans équivoque, si le terme appelle l'Etre Suprême ou d'autres réalités distinctes de lui, perçues aussi comme existantes et comme capables d'intervenir dans la vie quotidienne des hommes. La terminologie malgache et son application continue dans la vie de tous les jours et dans les liturgies, révèlent que la religion malgache n'est ni polythéiste, ni panthéiste tout en reconnaissant dans la nature des forces qui peuvent nous être propices ou néfastes et qu'il faut respecter. C'est par ailleurs dans cette vision du cosmos qu'on peut trouver une des plus fortes motivations pour la sauvegarde de l'environnement.

L'Etre Suprême, Zanahary est donc perçu comme nettement distinct des autres réalités, même si celles-ci apparaissent mystérieuses et sont désignées par le même terme. Le vocabulaire employé dans les invocations rituelles a provoqué parfois des malentendus ou des confusions chez certains chercheurs étrangers du XIX siècle et d'avant et jusqu'à la deuxième moitié du XX siècle. C'était le cas, par exemple, pour les appellations adressées à l'Etre Suprême : Zanahary lahy, Zanahary vavy : " Dieu Soleil homme, Dieu Soleil femme ". Il n'y a pas ici une conception polythéiste ou hermaphrodite quelconque de Dieu, mais l'intuition primordiale que dans le Principe dont jaillit la vie, l'élément masculin et l'élément féminin, le principe actif et le principe passif constituent une seule et unique perfection éternelle. On trouvera de cela une analogie dans le langage ordinaire quotidien, où le seul terme de rayamandreny qui signifie " père-et-mère " à la fois, tout en contenant deux concepts bien distincts, indique un seul individu respectable par sa sagesse, par son âge et par une personnalité renfermant en elle les perfections de l'homme et de la femme : la force, l'activité, la compréhension de la paternité, ainsi que la tendresse et la capacité d'engendrer d'une mère. On observera en tout cela une résonance, dans un style tout à fait malgache, des philosophies orientales et de la conception de l'être comme résultat dialectique d'un principe actif et d'un principe passif que l'Orient exprime par les termes de Yang et de Yin.

Par ailleurs Zanahary-Andriamanitra, en tant que Principe Organisateur de l'Univers, dans les rituels en usage chez les groupes malgaches de toute l'île, est perçu et appelé comme Zanahary andrefana, Zanahary atsinanana, Zanahary avaratra, Zanahary atsimo, Zanahary ambony, Zanahary ambany, ce que signifie : le " Dieu Soleil " qui est présent dans les quatre directions du cosmos, à l'Occident comme à l'Orient, au Nord et au sud ; il est aussi le " Dieu Soleil d'en haut ", et " le Dieu Soleil d'en bas ". Ici non plus, il ne s'agit pas d'une vision polythéiste, d'une pluralité de dieux qui se partageraient le cosmos et les directions de l'univers ou les parties supérieures et les parties inférieures du monde, mais de la perception d'une présence universelle et de l'ubiquité de Zanahary-Andriamanitra.

Une telle interprétation polythéiste a été proposée à l'époque coloniale, par une ethnographie provenant des courants laïcistes et athées, dont Charles Renel, qui était le premier organisateur de l'enseignement dans la nouvelle Colonie, auteur d'essais ethnographiques et de romans et le gouverneur Augagneur (1907-1915) étaient les promoteurs les plus convaincus et les plus énergiques. La recherche universitaire actuelle, la linguistique, l'ethnographie, et l'histoire des religions concluent à la présence d'un Dieu unique en dehors et en dessus de la totalité des choses et sans confusion possible avec les idoles et les talismans qui peuplent aussi l'univers mental et religieux traditionnel. Tout cela se traduit dans un langage symbolique : " Zanahary des points cardinaux, le Roi Soleil, le Seigneur Universel qui est partout présent et opérant". Ceci exclut aussi une quelconque vision panthéiste de l'univers. En effet, la distinction reste nette entre cet Etre Suprême et la nature et les forces qui sont en elle, auxquelles il donne vie et vigueur et qu'il domine ; distinction claire aussi entre Zanahary - Andriamanitra et les Ancêtres qui, dans les souvenirs privés des hommes, dans la mémoire collective et dans les célébrations rituelles restent personnalisés et sont appelés d'une manière distincte, par rapport au Zanahary Suprême, bien que leurs noms propres, soient absorbés par le temps ou ont été remplacés par des noms posthumes.

Nature de Zanahary, Andriamanitra.

Quelle est la nature de ce Dieu ? La pensée religieuse malgache ne s'inquiète pas devant cette question. L'homme ne peut pas connaître parfaitement Dieu, tout en ayant la certitude de son existence, car Dieu est " trop haut pour être connu de notre esprit limité et donne les vertiges ", affirment les Anciens. Zanahary reste alors enveloppé de notions vagues. Il fait penser, d'une part à la fécondité et au pouvoir d'engendrer (Zanahary lahy, Zanahary vavy) qu'on trouve dans la définition du Dieu-Trinité des chrétiens (le Verbe est "engendré et non pas créé"), d'autre part il révèle certaines idées de la théodicée bantou : ce sont les idées de " Façonneur de l'Univers " qu'on trouve en Tanzanie ou de " Organisateur " ou encore de " Planificateur et Architecte de l'Univers " que lui attribuent les habitants du Congo et de l'Ouganda…Par ailleurs le terme Iliyba en usage dans les rites et dans le parler quotidien de ces pays et du Cameroun en particulier, sans se rattacher à des influences orientales, mais plus proches des religions égyptiennes, (ou bien sont ces dernières qui en dépendent ?) évoque aussi l'idée de " Dieu solaire ". Enfin, le refus de la spiritualité malgache de définir ce que Dieu est, de donner une définition quelconque de sa nature, fait penser à l'humble agnosticisme bouddhiste qui renonce à dire quoi que ce soit d'une réalité dont on ignore tout.

Tout ce que je viens de dire est assez nouveau pour la recherche actuelle sur la notion de Dieu dans la tradition malgache. La signification donnée jusqu'à présent aux termes Andriamanitra-Andriananahary et Zanahary est celle de " Prince parfumé-créateur " ou de " Celui qui a créé, Izay nahary ". Cette étymologie proposée par les auteurs chrétiens, a été exploitée dans les premiers catéchismes du XVII siècle et dans la traduction de la Bible du XIX siècle ; elle est encore d'usage courant dans la pastorale missionnaire aujourd'hui ; mais elle est désormais scientifiquement insoutenable. Dans la pensée malgache ancienne (et, par ailleurs, dans celles africaine, gréco-romaine et égyptienne), la notion philosophique de création n'existe pas. Une telle conception est pratiquement abandonnée aujourd'hui au profit d'un retour à la signification donnée aux termes Zanahary, Andriananahary par l'antique tradition malgache. Cette signification se trouve tout simplement dans le sens des racines dont les mots sont composés ; elle est proche de la conception orientale et rattache l'idée de Dieu à celle de " Divinité solaire suprême ". L'étymologie du mot zanahary, contenant les racines sanscrites yan hary (dieu soleil), semble évidente à ce propos. L'évocation du soleil, sans aucune identification avec lui, mais comme terme comparatif, pourrait contenir aussi une intuition de la nature de ce Dieu : lumière qui éclaire et chauffe et fécondité qui fait vivre.

Pour cet ensemble de raisons le terme de " créateur " comme traduction des mots Zanahary et Andriananahary est pratiquement abandonnée par des chercheurs sérieux actuels. Il a en tout cas, totalement disparu des Proverbes malgaches édités par Madame Domenichini-Ramiaramanana dans le cadre de l'Académie Malgache. Je donnerai un seul exemple : le proverbe suivant : Andriamanitra tsy omen-tsiny, Zanahary tsy omem-pondro, fa ny olombelona no be siasia, est traduit de la manière suivante par le Pasteur Richard Andriamanjato vers la fin des années 1950 : " On ne blâme pas Dieu, on ne donne pas tort au Créateur. Ce sont les hommes qui sont responsables de leur égarement ", alors que la traduction de l'Académie Malgache donne : "Au Prince Parfume, point de blâme. Au Dieu Soleil point de reproche. C'est d'eux-mêmes que les hommes s'égarent ". Le terme de " Créateur " revient aussi dans les sermons plus récents de la presque totalité des ecclésiastiques protestants et catholiques qui continuent à interpréter le mot Zanahary comme résultat de " izay, celui qui… " et " nahary, a créé " : " créateur ".

Bibliographie
1 - Domenichini-Ramiaramanana B. "Ohabolan'ny Ntaolo...", Mémoire de l'Académie malgache
- R.Andriamanjato, "Les Tsiny et les tody dans la pensée malgache ". Paris, Présence africaine, 1957, 102 p. (p.25)

-  Pietro Lupo, "Discours sur Dieu. Perceptions malgaches, africaines et chrétiennes. (Préface de Justin Rakotoniaina)". S.p. aux editions Karthala-Ambozontany.

Express de Madagascar, 28-02-03

Publié dans Madagascar

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Y
Merci, mais je vais continuer et surtout essayer plus lumineux.<br /> <br /> As tu vu Analakely ? je peux te dire que cela n'était pas du tout comme ça il y a un an. Tout le monde râle, et pourtant je trouve ça très bien.<br /> <br /> Qu'en penses tu ?
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R
Bonjour, je viens de regarder les photos vaovao. Elles sont pas mal du tout.<br /> J'ai encore quelques vieilles diapos à scanner et à mettre en ligne.<br /> Veloma<br /> Richard
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